Gérer une entreprise du BTP en période de crise
Après avoir connu une embellie en période post-covid, le secteur du BTP a été confronté à un ralentissement de son activité en 2023 (-0,9 %), avant de connaitre une baisse plus significative en 2024 (-6,6 % en volume). Si certaines entreprises s’en sortent mieux que d’autres, notamment celles présentes sur le segment « entretien – amélioration », il peut s’avérer judicieux d’analyser son activité, ses forces et ses faiblesses afin de comprendre quels peuvent être les leviers opérationnels pour gagner en résilience et en adaptabilité.
A travers cet article, nous vous proposons des conseils pratiques pour anticiper les difficultés et gérer efficacement votre entreprise du BTP en temps de crise.
1. Assurez-vous d’avoir une vision à 360° de votre entreprise de BTP
Afin d’être réactif et d’agir en conséquence, il peut s’avérer judicieux d’évaluer la situation de votre entreprise. Plus vous aurez une vision fiable de votre entreprise, plus vous prendrez des décisions pertinentes rapidement. Pour ce faire, vous pouvez mener des études sur plusieurs points : une analyse des ressources et des compétences de l’entreprise, d’une part, et une analyse des indicateurs clés, d’autre part.
Analysez les ressources et les compétences au sein de votre entreprise
Les ressources matérielles, humaines et financières de l’entreprise sont le cœur de votre entreprise de BTP. Prenez le temps de les analyser afin d’identifier les atouts et les faiblesses et de réaliser les ajustements nécessaires.
- Ressources matérielles : il s’agit des équipements, des machines ou encore des locaux. Ces actifs peuvent se déprécier au cours du temps ou ne plus être en phase avec les standards du moment. Il est donc important, lors de l’évaluation, de prendre en compte l’état de l’appareil productif et son adéquation avec les attentes des clients.
- Ressources humaines : cette ressource doit être appréciée d’un point de vue quantitatif (nombre d’employés, répartition par activité, etc.) mais également qualitatif (formations et compétences des salariés, pyramide des âges, etc.). En effet, ces deux dimensions s’articulent de pair pour parvenir à rendre l’entreprise performante et compétitive sur le long terme.
- Ressources financières : il s’agit des sources de financement permettant de financer les autres ressources de l’entreprise. Elles doivent donc être prises en compte lors de l’analyse, ainsi que leur nature (emprunt bancaire, financement par fonds propres, cession d’actifs, etc.). Par ailleurs, le taux d’endettement doit également être appréhendé, afin de s’assurer que ce dernier n’est pas trop élevé.
Mettez en place des indicateurs clés de gestion
Dans le cadre de l’évaluation d’une entreprise, il est important d’analyser les indicateurs clés de performance, également connus sous les termes Key Performance Indicators (KPI). Les indicateurs suivis en interne – idéalement avec régularité – doivent apporter une mesure aussi bien quantitative que qualitative des résultats au regard des objectifs fixés et de la stratégie choisie. Ils sont de précieux outils de pilotage. Assurez-vous qu’ils vous offrent une vision claire de la situation de votre entreprise. Lors de leur mise en œuvre, voici les points à vérifier :
- La récurrence : s’agit-il de remontées hebdomadaires, mensuelles, trimestrielles ? La fréquence retenue permet également de voir comment s’inscrit cette démarche de progrès et de pilotage de l’activité.
- Le choix des indicateurs : sont-ils adaptés à vos priorités ? Vous permettent-ils de savoir si la stratégie présentée est correctement déployée et suivie ? Vous permettent-ils d’avoir des points d’alerte ? Ces indicateurs permettent-ils de faire une analyse comparative de la performance et de se situer par rapport à la performance ?
- Le nombre de KPI suivis : combien d’indicateurs suivez-vous réellement ou êtes-vous en mesure de suivre ? En effet, il n’est pas rare qu’il existe trop d’indicateurs à suivre ! Ils sont, dans ce cas, souvent mal voire non exploités. Bon à savoir : centralisez les indicateurs choisis au sein d’un tableau de bord et analysez régulièrement vos données financières.
2. Optimisez la gestion financière de votre entreprise de BTP
Après avoir mis en place des indicateurs pertinents au regard de votre activité et de votre stratégie, vous allez pouvoir mettre en place un pilotage financier rigoureux de votre trésorerie et de votre activité. Pour cela centralisez un nombre définis d’indicateurs au sein d’un tableau de bord et analysez régulièrement vos données financières.
Exemples d’indicateurs clés :
o Taux de marge et marge par chantier
o Rotation des stocks
o Délai moyen de paiement clients (DSO)
o Besoin en Fonds de Roulement (BFR)
o Trésorerie nette
A noter : BFR = Stocks + Créances clients – Dettes fournisseurs
Suivez avec attention votre trésorerie et votre BFR
Un BFR maîtrisé et une trésorerie saine sont vitaux pour une entreprise de BTP. Surveillez l’évolution de votre BFR et agissez dès que celui-ci augmente au-delà du niveau attendu. Vous pouvez, pour ce faire, utiliser des outils dédiés, tels que des solutions de cash management (Agicap, Optim’BTP…) pour agréger automatiquement vos flux bancaires et avoir des alertes en cas de dérive.
Concernant le plan de trésorerie prévisionnel, prévoyez des encaissements (acomptes, factures soldées) et des décaissements (salaires, achats) sur 12 mois. Faites des mises à jour régulières pour que cela reflète le plus fidèlement possible l’avancement des chantiers.
Maîtrisez les coûts et assurez-vous d’une gestion de chantier la plus précise possible
Dans le cadre d’un chantier, le risque de dépassement budgétaire est réel. Quelques bonnes pratiques peuvent vous permettre d’éviter cet écueil. Pour ce faire, prenez le temps de réaliser une estimation et un chiffrage précis. Pour ce faire, réalisez un devis détaillé chantier par chantier. Pensez également à y intégrer les coûts indirects (frais généraux, amortissements…) pour éviter toute mauvaise surprise. Par ailleurs, pensez à réaliser un suivi en continu des ressources, tant humaines que matérielles. Enfin, comparez le prévisionnel versus le réalisé.
Boostez votre facturation et diminuez vos délais de paiement
Améliorez votre trésorerie en négociant et en gérant vos délais de paiement. Côté clients, exigez un acompte à la commande, puis facturez régulièrement. Par ailleurs, pensez à intégrer des pénalités de retard dans vos CGV. Vous pouvez également automatiser et cadencer les relances (courriels, SMS, appels) dès la date d’échéance dépassée.
Côté fournisseurs, vous pouvez négocier des délais de paiement adaptés à votre cycle de production, ou encore mettre en place une politique de règlement groupé pour mutualiser les paiements.
Identifiez les dispositifs pour structurer votre financement différemment
Pour sécuriser et lisser vos besoins de trésorerie, vous pouvez recourir aux dispositifs de leasing ou LLD (location longue durée), afin de ne pas mobiliser vos fonds propres. Cela peut être particulièrement pertinent pour le matériel lourd et coûteux (nacelles, par exemple).
Par ailleurs, n’hésitez pas à solliciter les aides et les subventions qui peuvent correspondre à votre activité ou à vos souhaits de développement comme le crédit d’impôt transition énergétique, les primes régionales et les prêts bonifiés.
Enfin, pensez à renforcer vos fonds propres. Pourquoi ne pas souscrire à un abonnement d’épargne automatique pour épargner mensuellement ?
3. Mettez en place un plan de continuité d’activité
Définition et objectif d’un PCA
Il est nécessaire de vous assurer de la capacité de résistance de votre entreprise dans un contexte de crise, que celle-ci soit économique ou sanitaire. L’analyse de votre organisation et de vos ressources doit permettre de comprendre qu’elle sera la réaction de votre entreprise en cas d’évènements majeurs externes venant perturber son marché. Plus votre entreprise sera adaptable et résiliente, plus la projection de ses résultats futurs pourra être appréhendée avec confiance. C’est pourquoi, après avoir analysé ses forces et ses faiblesses, il est judicieux de définir un Plan de Continuité d’Activité pour votre entreprise.
Le Plan de Continuité d’Activité (PCA) peut se définir comme un processus qui vise à assurer le fonctionnement d’une entreprise, afin de maintenir l’activité essentielle, éventuellement en mode dégradé, tout en assurant la protection de la santé et de la sécurité des salariés.
Etapes pour établir un PCA
- Définir le contexte et les activités critiques
- Préciser l’échelle : chantier unique, direction régionale ou siège
- Identifier les processus vitaux :
- Continuité des chantiers (livraison en cours, exploitation des engins)
- Gestion de la paie et obligations administratives
- Relations clients et fournisseurs clés
- Cartographier les risques et les impacts financiers principaux
Classer chaque risque selon sa probabilité et son impact (pénalités de retard, coût de remise en état)
- Etablir un ou des scénarios en fonction des circonstances
- Formaliser les procédures et les moyens
- Rédiger le plan et vérifier sa faisabilité
- Profiter des retours d’expérience pour mettre à jour régulièrement son PCA
En adaptant ces étapes aux spécificités du BTP (nombre de chantiers, mode constructif, réglementation sécurité) et en mobilisant vos équipes, vous garantirez la résilience de votre entreprise face à tout aléa.
4. Formez vos équipes pour plus de polyvalence et de transparence
Encouragez la polyvalence et l’autonomie des employés.
Favoriser la montée en compétences de vos équipes pour qu’elles soient capables de s’adapter aux changements. Pour ce faire, de nombreuses offres de formation sont disponibles pour les professionnels du BTP. Plusieurs organismes comme la CAPEB , la Fédération Française du Bâtiment ou encore le Comité de concertation et de coordination de l’apprentissage du bâtiment et des travaux publics (CCCA) présentent de nombreuses informations, notamment sur les certifications , les formations par métiers ou la formation continue.
Développez une culture “cash” et des compétences internes
Vous pouvez instaurer une revue mensuelle des KPI avec la direction et les chefs de chantier afin de sensibiliser vos équipes aux enjeux financiers. Prenez également le temps de former vos collaborateurs à vos outils de gestion interne pour faciliter la remontée d’information, le suivi des temps ou encore la gestion du matériel… Vous pouvez également désigner, si la taille de votre structure le justifie, un contrôleur de gestion ou un responsable trésorerie.
Renforcez la communication interne et externe
Point de déni sur ce point ! En période de crise, il vous faut maintenir une communication transparente avec vos employés, tout en informant régulièrement les clients et les partenaires concernant la situation et les mesures prises. Bien informés, ils seront plus enclins à acceptés les changements demandés et feront plus aisément preuve d’engagement et de polyvalence.
Vous l’aurez compris, la gestion d’une crise ne s’improvise pas ! Une phase d’observation, de préparation et de formation sont nécessaires pour prendre les bonnes décisions et ne pas se laisser dépasser par la situation. Avec des indicateurs adaptés à votre activité et suivis régulièrement, vous aurez la capacité de réagir rapidement, et cela dès les premiers signaux d’alerte. Vous serez alors en mesure d’adapter vos ressources et vos actions, de réévaluer vos projets, en priorisant ceux qui sont viables à court et moyen termes, et d’identifier de nouvelles opportunités de marché.